Auckland : résultats de l'augmentation de la capacité résidentielle

3 mai 2023 Articles de fond

En 2016, Auckland, la plus grande ville de la Nouvelle-Zélande, a été précurseur en adoptant une réglementation de zonage visant à augmenter la capacité résidentielle sur plus de 75% des espaces jusque-là réservés aux maisons individuelles à l’intérieur de ses premières couronnes de banlieues (inner suburbs). Tous ces espaces peuvent maintenant accueillir de plein droit des bâtiments résidentiels de trois unités pouvant être répartis sur deux ou trois étages selon la zone (urbaine à usage mixte ou suburbaine à usage mixte). Si d’autres villes, comme Portland en Oregon, et États, comme la Californie, ont également entrepris des démarches pour mettre fin au zonage autorisant exclusivement les maisons individuelles, c’est à Auckland que les résultats se sont pour le moment avérés les plus probants¹.

Source : Vivre en Ville.

Une croissance de l’offre résidentielle

Jusqu’au milieu des années 2010, la rareté des logements a contribué à créer à Auckland un marché très favorable aux vendeurs et donc à l’augmentation des prix résidentiels. Une réforme de la réglementation de zonage en 2016 a toutefois renversé la tendance, en entraînant une augmentation significative du nombre d’unités résidentielles disponibles sur le marché, notamment pour les locataires. En effet, ce sont environ 27 000 nouvelles unités (principalement au sein de multilogements) qui ont été construites de 2017 à 2021, soit environ 4% du nombre de logements total de la ville. Il s’agit d’une croissance au moins deux fois plus rapide que celle connue par Auckland de 2010 à 2015², et qui s’est poursuivie depuis 2021, le nombre de permis de construction émis ayant continué de croître. 

Notons que cette réforme n’a pas empêché l’augmentation du nombre absolu de maisons individuelles à Auckland, dans les quartiers où la réglementation de zonage n’a pas été modifiée par la réforme. Cette augmentation est toutefois faible comparativement à celle du nombre de logements construits grâce à la densification des premières couronnes de banlieues de la ville.

Source : Greenaway-McGrevy, Ryan et Phillips, 2022 (traduction en français de Vivre en Ville).

Mais attention! Si la réforme réglementaire effectuée par Auckland a été si efficace, c’est parce qu’elle s’appliquait sur la quasi-totalité de son territoire. D’autres exemples de modifications réglementaires, s’appliquant uniquement à des secteurs précis de la ville³, semblent plutôt avoir eu un effet inverse sur l’abordabilité : celui d’alimenter une hausse des prix résidentiels à la suite d’un effet d’appel d’air vers les secteurs voisins.

Un impact rapide sur l’abordabilité en habitation

Les résultats obtenus à Auckland suggèrent que l’augmentation considérable de l’offre de logements dans les milieux de faible densité pourrait représenter une stratégie efficace pour favoriser l’abordabilité résidentielle. En effet, en 2010, soit sept ans avant l’entrée en vigueur de la réforme réglementaire, Auckland était de loin la ville la moins abordable du pays. Quelques années après la réforme, les prix résidentiels à Auckland sont en voie de devenir moins élevés qu’à Wellington, capitale et deuxième ville de la Nouvelle-Zélande en termes démographiques. 

Ainsi, même si la réforme réglementaire n’a pas eu pour effet de diminuer les prix résidentiels à Auckland, ceux-ci ont crû bien moins rapidement qu’ailleurs au pays. Et tout porte à croire que cette tendance se poursuivra puisque, de février 2022 à février 2023, le prix médian des loyers a augmenté de 7% à Auckland comparativement à 17% dans le reste du pays. De même, la part du budget des ménages d’Auckland dédiée à payer le loyer a décru, passant de 22,7% en 2016 à 20,6% en 2022. Cette réforme a aussi eu un impact majeur sur le coût des maisons individuelles, dont la hausse depuis 2016 a été de 20% à Auckland tandis qu’elle a été de 70% dans le reste du pays.

Sources : Vivre en Ville, d’après Government of New-Zealand, 2023 et One Final Effort, 2022.

Une croissance davantage centripète qu’auparavant

En plus de contribuer à la croissance de l’offre résidentielle et à l’amélioration de l’abordabilité en habitation, l’augmentation de la capacité résidentielle des premières couronnes de banlieues à Auckland a permis, grâce à la densification des milieux voisins au centre-ville, de ralentir considérablement la croissance centrifuge, et donc l’étalement urbain, depuis 2016.

En 2015, environ 66% des permis de construction émis à Auckland étaient accordés pour la construction d’unités d’habitation situées dans les premières couronnes de banlieues. En 2020, soit quatre ans après l’adoption de la nouvelle réglementation, ce taux était passé à 85%, le tout accompagné d’une forte décroissance du nombre de nouvelles maisons individuelles construites dans ces secteurs. 

Sources : Vivre en Ville, d’après Greenaway-McGrevy, Ryan et Phillips, 2022.

Une stratégie locale en voie d’être déployée à l’échelle nationale

Globalement, l’ambitieuse stratégie d’augmentation de la capacité résidentielle mise en place à Auckland montre des signes très encourageants, d’autant plus que seul le tiers des résidents ayant répondu au sondage commandé par le conseil municipal ont semblé être défavorables à la densité permise par la réforme réglementaire. Même s’il serait exagéré d’affirmer que la réforme suscite une forte adhésion, celle-ci est loin d’avoir provoqué la levée de boucliers à laquelle on aurait pû s’attendre. Les récents résultats contribueront très certainement au dialogue constructif qui accompagne la réforme réglementaire depuis son adoption.

Pour conclure, les leçons tirées du cas d’Auckland laissent poindre des résultats positifs pour la National Policy Statement on Urban Development 2020. En effet, celle-ci met de l’avant une réglementation similaire en matière de zonage plus dense, mais cette fois-ci pour les cinq autres plus grandes villes de la Nouvelle-Zélande.

Bibliographie

1. L’ensemble des résultats discutés dans cet article, sauf lorsque indiqués, sont tirés de : GREENAWAY-MCGREVY, Ryan et Peter C.B. PHILLIPS (2022). « The impact of upzoning on housing construction in Auckland », Cowles Foundation Discussion Papers, no 2330, p. 1-44.

Un résumé de ces résultats se trouve sur le site suivant : ONE FINAL EFFORT. Auckland. [https://onefinaleffort.com/auckland] (consulté en janvier 2023).

2. STATS NEW ZEALAND TATAURANGA AOTEAROA. Building consents issued: February 2023. [https://www.stats.govt.nz/information-releases/building-consents-issued-february-2023/] (consulté en avril 2023).

3. À ce sujet, voir le cas de Chicago : FREEMARK, Yonah (2020). « Upzoning Chicago: Impacts of a Zoning Reform on Property Values and Housing Construction », Urban Affairs Review, vol. 56, noo 3, p. 758-789.

4. GOVERNMENT OF NEW ZEALAND - TENANCY SERVICES RENTAL BOND DATE. Rental bond data, January 1993 to February 2023. [https://www.tenancy.govt.nz/assets/Uploads/Tenancy/Rental-bond-data/rentalbond-data-tla.csv] (consulté en avril 2023).

5. AUCKLAND COUNCIL (2022). National Policy Statement on Urban Development 2020 and 2021 amendments to the Resource Management Act – Public Opinion Survey, Kantar Public [PDF].

Source de la vignette : Photo par pixelia de Pixabay.

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