Comment humaniser la densification? Accroître l’acceptabilité de la densification à Seattle

16 avril 2019 Événements | Articles de fond

Comment humaniser la densification? Accroître l’acceptabilité de la densification à Seattle

Aux États-Unis, Seattle est l’une des villes avec la plus forte croissance de population. Toutefois, l’offre en habitation ne suit pas au même rythme. La pénurie de logements est à la base d’une forte augmentation du coût de l’habitation qui repousse les résidents vers des quartiers, voire des villes périphériques, plus abordables. La densification s’est imposée comme stratégie pour pallier cette pénurie, mais elle ne fait toutefois pas consensus.

Sara Maxana a contribué à transformer le débat en humanisant la densification. Ancienne «activiste YIMBY (Yes in my backyard)» et aujourd’hui directrice du programme Logement abordable et milieux de vie de qualité à la ville de Seattle, Madame Maxana appelle à dire oui aux projets qui sont bons pour la communauté et qui créent des opportunités de logement abordable. Elle sera présente le 25 avril à Montréal pour partager son expérience à l’occasion du 4e Rendez-vous Collectivités viables, organisé par Vivre en Ville sur le thème «Oui dans ma cour!».

Densifier et créer du logement abordable

En 2014, en réponse à la crise du logement, le maire de Seattle a créé le groupe de travail HALA (Housing Affordability and Livability Agenda) rassemblant 28 intervenants issus de milieux diversifiés: organismes communautaires, regroupements de locataires, promoteurs immobiliers et professionnels municipaux.

La mission du groupe était de proposer des mesures pour réussir à construire 50 000 nouveaux logements en 10 ans pour répondre aux pressants besoins de la population : 20 000 logements abordables et 30 000 au prix du marché. Dans sa quête d’améliorer l’abordabilité des logements, la Ville de Seattle considère en effet que les logements au prix du marché font partie de la solution puisqu'ils permettent de soulager la pression du marché immobilier, en plus d'être assujettis à l’inclusion de logements abordables.

Densifier les quartiers d’unifamiliales : un défi de taille

Parmi les recommandations phares, le groupe de travail HALA s’est penché sur le financement du logement social et abordable et sur les façons de maximiser les opportunités de construction.

Si la majorité des recommandations a reçu un fort appui de la population, cela n’a pas été le cas pour celle qui visait à modifier le zonage dans les quartiers composés exclusivement de résidences unifamiliales afin d’y autoriser la construction de jumelés, d’unités accessoires, de duplex et de triplex. Ébranlant le statu quo, l’idée de densifier les «villages urbains», qui  occupent près de 60% du territoire urbanisé de Seattle, a suscité un grand débat autour de la densification. Pour le moment, il s’agit de la seule recommandation du groupe de travail HALA qui n’a pas été retenue.


Pour soutenir la construction de nouveaux logements, au prix du marché et abordables, le groupe de travail HALA proposait d’assouplir la réglementation dans les quartiers d’habitations unifamiliales afin d’y permettre la construction d’habitations plus compactes (Residential Small Lot) tel que des maisons en rangée, des duplex et des triplex. Source : HALA Stories, 2017.

Les visages derrière la densification

C’est dans ce contexte, en tant que citoyenne d’un quartier à densifier, que Sara Maxana s’est fait connaître. Positionnée en faveur de la mise en œuvre des recommandations du groupe de travail HALA, elle propose de considérer la densification comme une opportunité plutôt qu’une perte.


Avec sa famille, Sara Maxana considère faire partie des «visages de la densification». Une famille en 2005 deviendra quatre familles d'ici 2026: Famille de 3 arrivée en 2005. Deuxième enfant née en 2006. Séparation et recherche d’un deuxième logement en 2012. Où vivront les enfants quand il seront grands, en 2024 et 2026? Source : Sara Maxana (via Twitter)

Pour recadrer le débat, Sara Maxana rappelle que la croissance et la densification urbaine ce ne sont pas que des promoteurs, des grues et des bulldozers, mais ce sont des personnes à la recherche d’un logement. Il peut s’agir de nos voisins, de nos amis et de nos enfants, voire de nous-mêmes!

Elle donne l’exemple de sa propre famille qui s’est installée à Seattle en 2005. Ils étaient une famille de plus à occuper un logement. Sept ans plus tard, le couple s’est séparé, occupant alors deux logements. Dans le futur, quand les enfants quitteront la maison, ils auront chacun besoin d’un logement… Et c’est ainsi qu’une même famille aura, à terme, besoin de 4 logements. C’est en replaçant l’humain au cœur de la densification que Maxana espère accroître l’acceptabilité de la densification.

Quand mes enfants seront adultes, j’espère qu'ils pourront se permettre de vivre à Seattle !
– Sara Maxana.

Pour celle qui travaille désormais pour la Ville de Seattle, il ne s’agit pas de dire oui ou non à la croissance (et à la densification qui l’accompagne), mais d’accueillir le changement nécessaire pour permettre d’améliorer la qualité de vie d’innombrables ménages. Il s’agit de dire oui à offrir une diversité d’habitations, de types, de tailles et de coûts variés, pour permettre aux ménages de rester dans leur quartier au courant de leur vie, selon l’évolution de leurs besoins. Oui à la création d’opportunités résidentielles pour tous.

Et maintenant, qu’en est-il de la densification à Seattle?

Quatre ans après la sortie des recommandations du groupe de travail HALA, quelle a été son influence? Qu’est-il advenu du débat sur la densification?

Même si la question de la densification des quartiers de résidences unifamiliales suscite toujours le débat, on constate une plus grande collaboration entre les acteurs de l’immobilier, les organismes communautaires et les experts en logement vers un objectif commun : contribuer à accroître l’offre résidentielle et répondre aux besoins en habitation. Cet objectif est désormais partagé par une plus grande part de la population, et la mobilisation du mouvement YIMBY (Yes in my backyard) va de façon croissante !

Le 25 avril prochain, dans le cadre du 4e Rendez-vous Collectivités viables, Sara Maxana sera présente pour approfondir le cas de Seattle et les façons de transformer le débat sur la densification. Pour assister à sa conférence, découvrir et échanger sur les formes et les processus gagnants en matière de transformation urbaine, c’est par ici.