Comment Janette Sadik-Khan a changé le visage de New York

12 mars 2019 Articles de fond | Événements

Comment Janette Sadik-Khan a changé le visage de New York

New-York, métropole dense par excellence, a bien compris que pour demeurer attrayante, la densité doit être associée à d’autres gains pour la qualité de vie des citoyens. Les travaux réalisés ces dernières années par la Ville sur ses espaces publics sont une inspiration intéressante. Et Janette Sadik-Khan, qui livrera la grande conférence du 4e Rendez-vous Collectivités viables, y est pour beaucoup.

Sadik-Khan a été commissaire du département des Transports de la Ville de New York de 2007 à 2013. Durant son mandat, plus de 70 hectares de rue ont été convertis en espaces publics. Environ 650 km de voies cyclables ont été aménagés, dont une des premières pistes cyclables protégées par du stationnement aux États-Unis. Elle a également participé à la mise en place de sept parcours de bus rapide sur le territoire de la Metropolitan Transportation Authority, et au déploiement en 2013 de 6 000 vélos en libre-service à l’image du Bixi, les Citi Bikes.

L’amélioration essentielle de la mobilité et des espaces publics

Si les villes veulent continuer à prospérer et à croître, en étant attirantes pour les millions de personnes qui vont y emménager, il faut se concentrer sur la qualité de vie et sur l'efficacité de nos infrastructures.
– Janette Sadik-Khan, Directrice principale Transports, Bloomberg Associates et ancienne commissaire du département des Transports de la Ville de New York (Source)

Densifier signifie avoir plus de monde au même endroit. Cette concentration humaine rend la diminution de notre dépendance à l’automobile incontournable : il faut augmenter les options pour que tous puissent se déplacer autrement qu’en auto. En plus de libérer de l’espace et de polluer moins, la marche, le vélo et le transport en commun sont des modes de déplacements accessibles à toutes les bourses. Mais pour passer d’une ville où seuls des messagers téméraires se déplaçaient à vélo à des conditions favorables pour tous les cyclistes, la mise en place d’infrastructures cyclables sécuritaires et conviviales était nécessaire. Selon Janette Sadik-Khan, un des indicateurs de succès se trouve justement dans la proportion de femmes et d’enfants à vélo.

L’exemple phare de New-York en matière d’infrastructures cyclables est sans aucun doute la mise en place en 2007 d’une des premières pistes cyclables protégées par du stationnement aux États-Unis. Long d’un peu plus de 500 m sur la 9e avenue entre la 16e et la 23e rue, cet aménagement a mis la table pour la métamorphose cyclable de New-York en raison de son efficacité en matière de sécurité et de mobilité : les accidents avec blessures y ont baissé de 48 %, alors même que le volume de cyclistes augmentait de 65 % (DOT-NYC, 2014). Pendant ce temps, la vitalité commerciale de cette avenue s’est également améliorée.


9Avenue, avant et après la transformation. Source : NYC DOT

L’espace public, un lieu parfait pour l’expérimentation

L’approche adoptée par la Ville de New-York et par le service dirigé par Janette Sadik-Khan se démarque notamment par le recours à des projets pilotes qui permettent de mettre en place rapidement les changements souhaités pour constater les effets. Avec un projet pilote, une municipalité est en mesure d’évaluer si les solutions mises en place permettent d’améliorer la mobilité et la sécurité des différents modes de déplacement, ainsi que les impacts sur les commerce. Cela permet de prendre des décisions basées sur les données, ce qui est essentiel. Si ça fonctionne, le projet peut être pérennisé. Et si ça ne fonctionne pas, aucun problème, ça n’aura pas coûté trop cher !

C’est là un des gros avantages des interventions sur l’espace public. Contrairement à un projet immobilier qu’on peut difficilement imaginer démolir après six mois de test, le caractère temporaire des projets pilotes diminue significativement les inquiétudes face à des projets de transformation de l’espace public.

La piétonnisation de Times Square, par exemple, a été plus que concluante. Sur les six mois de l’expérience, le nombre de piétons blessés a diminué de 35%, la circulation s’est améliorée, de nouveaux commerces ont ouvert, et les loyers commerciaux ont doublé, ce qui a fait de Time Square une des places commerciales les plus populaires au monde.

La leçon que l’on peut retenir de la New-York, c’est qu’il est possible de transformer vos rues rapidement, que ça ne coûte pas cher, que les bénéfices sont immédiats, et que cela peut tout à fait être populaire.
– Janette Sadik-Khan (Source)


Times Square, avant et après la transformation. Source : NYC DOT

Des interventions au service d’une vision

En matière de mobilité durable comme pour ce qui concerne la densification, les interventions ponctuelles, aussi réussies ou flamboyantes puissent-elles être, ne doivent pas occulter la nécessité d’une vision d’ensemble.

Définir ses objectifs est crucial, car lorsque l’on veut faire prendre un virage à une grosse administration, il faut savoir où l’on s’en va, et pourquoi.
– Janette Sadik-Khan (Source)

Bien qu’elle soit assurément dans une classe à part, l’exemple qu’offre la Ville de New-York avec les réalisations effectuées sous l’égide Janette Sadik-Khan et de l’administration Bloomberg mettent en évidence la pertinence de considérer les rues comme bien plus qu’un lieu de circulation automobile. Il s’agit d’un capital énorme pour les collectivités, au sujet duquel il faut agir globalement et promptement, tout en gardant l’humain au cœur de la réflexion.

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Après son mandat à la Ville de New-York, Janette Sadik-Khan a co-fondé Bloomberg Associates, où elle exerce encore. Elle siège également au NACTO et a publié un livre intitulé Streetfight: Handbook for an Urban Revolution. Elle sera présente au 4e Rendez-vous Collectivités viables organisé par Vivre en Ville, le 25 avril, à Montréal. Pour assister à sa conférence et prendre part à l’évènement de l’année en matière de transformation urbaine, c’est par ici.