15 juillet 2019 Articles de fond
Cet article a initialement été publié dans l'édition Printemps / Été 2019 de la revue «Urbanité». Il est reproduit ici avec autorisation.
Afin de favoriser l’acceptabilité sociale de la densification du secteur Kateri à Sainte-Catherine, la Ville a mis sur un pied un comité regroupant différentes parties prenantes dans le but de favoriser l’échange et le dialogue. Cinq stratégies ont été mises à l’essai au cours de cette démarche participative. L'équipe de Vivre en Ville a accompagné la municipalité dans le cadre de son initiative Oui dans ma cour!.
Le comité de travail formé de citoyens, de représentants d’organismes publics, du promoteur, de professionnels en aménagement et d’un élu de la Ville s’est réuni à cinq reprises. Source : Ville de Sainte-Catherine
La Ville de Sainte-Catherine, comme bien d’autres au Québec, doit densifier son territoire afin d’assurer son développement. Cette volonté s’inscrit notamment en conformité avec les objectifs du Plan métropolitain d’aménagement et de développement de la Communauté métropolitaine de Montréal, mais aussi avec la réalité particulière de la municipalité : la grande majorité de son territoire est déjà urbanisé. Le cadre bâti se transforme ainsi graduellement alors que de plus en plus de maisons unifamiliales laissent place à des immeubles multilogements. Ces transformations, bien que nécessaires, ne se font pas sans soulever l’inquiétude des citoyens, forçant la municipalité à innover et à jouer un rôle proactif afin que la densification de son territoire contribue pleinement à la qualité des milieux de vie. Cet article présente les constats d’une démarche qui rassemble la municipalité, les citoyens, les promoteurs et des acteurs du milieu, accompagnés par l’équipe de Vivre en Ville.
Travailler ensemble pour dépasser les oppositions
Le secteur Kateri, face à la Voie maritime du Saint-Laurent et à proximité du secteur centre-ville, est voué au redéveloppement et est appelé à se transformer au cours des prochaines années. Des promoteurs souhaitant y construire un immeuble multifamilial en lieu et place d’un terrain vacant et d’une maison ancestrale ont présenté un projet lors d’une séance publique, qui a suscité de vives réactions de la part des citoyens du quartier. Dans le but de mieux comprendre les préoccupations du milieu, la Ville a choisi de prendre du recul et de mettre sur pied un comité qui rassemble des citoyens, les promoteurs du projet, des représentants de la commission scolaire, de la fabrique de l’église (voisine du projet), d’un expert en patrimoine (étant donné le potentiel archéologique que représente cet ancien secteur villageois), des professionnels du Service de l’aménagement du territoire et développement économique de la Ville et du conseiller municipal du district. La mission des participants : s’entendre sur le devenir souhaitable du site et proposer des balises de design qui seraient gages d’une intégration réussie du projet au cadre bâti existant et d’une plus grande acceptabilité sociale de la densification du secteur.
Se donner le temps de réfléchir et de discuter
L’équipe de Vivre en Ville a accompagné la Ville dans sa démarche, dont le but était de favoriser un dialogue constructif sur le devenir du site Kateri. Le comité de travail s’est réuni cinq fois, à intervalles d’un mois, afin de favoriser la réflexion de chacun des participants, de se donner le temps d’intégrer les nouvelles informations et de se faire une tête sur les propositions mises de l’avant.
Chaque atelier a constitué un jalon dans la démarche :
- l’objectif du premier atelier était de cibler les enjeux liés à la requalification du site;
- le deuxième atelier visait à établir des priorités parmi les souhaits et les attentes des parties prenantes ;
- au troisième atelier, des scénarios de requalification, tenant compte des discussions précédentes et visant à illustrer concrètement les choix qui s’offraient au comité, ont été proposés par Vivre en Ville;
- au quatrième atelier, le comité a été invité à s’entendre sur des balises de design qui seraient par la suite transmises au conseil municipal en tant que recommandations vers une plus grande acceptabilité sociale, en vue d’intégrer celles-ci à la réglementation municipale, notamment au règlement sur les plans d'implantation et d'intégration architecturale (PIIA).
Le fait de se rencontrer à plusieurs reprises a permis d’initier un dialogue et d’identifier concrètement les craintes des différentes parties prenantes, au-delà des premières impressions. Par exemple, si la hauteur d’un futur bâtiment semblait être le principal problème, on a constaté que pour plusieurs, hauteur était surtout synonyme d’une augmentation du nombre de voisins, ce qui suscitait de l’inquiétude quant à la circulation. Le souhait d’un paysage de rue plus uniforme est aussi ressorti, tout comme la préoccupation de subir une perte d’intimité. Des propositions ont alors pu être soumises pour répondre à ces enjeux précis, au-delà d’une hauteur plus faible, qui n’aurait pas nécessairement répondu aux préoccupations réelles.
Au terme de la démarche, le promoteur a présenté une nouvelle mouture de son projet. Les membres du comité ont souligné que ce dernier tient maintenant compte d’une majorité d’enjeux soulevés. Bien que le projet ne réponde pas nécessairement aux attentes individuelles de chaque participant, il est désormais plus sensible au milieu et prend davantage en compte les appréhensions du voisinage.
Au banc d'essai : cinq stratégies pour un dialogue constructif
L’initiative Oui dans ma cour! s’affiche en faveur des projets de densification qui contribuent à alléger le bilan carbone d’un milieu. Il importe toutefois que les projets soient bien accueillis par le voisinage. Pour dépasser les oppositions et trouver des solutions rassembleuses, la démarche met à l’essai cinq stratégies.
Un parti pris en faveur de la densification
Dans le cadre du comité, l’équipe de Vivre en Ville a joué à la fois le rôle d’animateur et de vulgarisateur. L’accompagnement offert visait entre autres à assurer une plus grande compréhension du concept de densification, de sa raison d’être (pourquoi densifier ce quartier?) et des différentes formes que cela peut prendre.
En expliquant dès le départ ce qu’impliquerait le statu quo ou le refus de toute forme de densification, il a été plus aisé d’entamer une discussion sur le devenir du site Kateri. Les questions suivantes ont pu être résolues : Puisque ce site doit être densifié, quelles formes seraient acceptables et souhaitables aux yeux du comité? Selon quelles modalités de mise en œuvre?
Tous sur un pied d’égalité
L’originalité de cette démarche consiste à faire évoluer la réflexion de chaque partie prenante en exposant de manière transparente les considérations de chacun. Pour permettre ce dialogue et sortir d’une logique de confrontation, les promoteurs, les professionnels de la municipalité, l’élu et les représentants des institutions ont été conviés à participer aux échanges aux côtés des citoyens.
Comme dans toute démarche de consultation, les citoyens ont fait part de leurs préoccupations. Les promoteurs ont eux aussi pu parler de leur réalité, sans que cela soit présenté en opposition aux préoccupations des résidents, mais bien comme l’un des éléments à prendre en compte dans la réflexion. La Ville et les autres acteurs ont également pu exprimer les enjeux découlant de leur réalité spécifique et ainsi faire avancer la conversation.
Un des scénarios exploratoires intégrant le souhait de voir deux bâtiments sur le site, plutôt qu'un seul, et proposant une gradation des hauteurs vers les bungalows. Source : Vivre en Ville
Repartir de zéro
Pour en arriver aux formes et aux modalités souhaitables de la densification du site Kateri, le comité ne s’est pas penché sur le projet présenté publiquement par le promoteur. La démarche visait à faire table rase dans le but de discuter des enjeux à la source des préoccupations.
Ainsi, le comité était appelé à identifier ce qui était en jeu, ce qui serait à perdre ou à gagner lors de la densification du site visé, et ce, peu importe le projet qui prendrait place. Il s’agissait ensuite de convenir des balises de design dont devrait tenir compte un projet pour être qualifié de souhaitable.
Illustrer les possibles
Si le projet du promoteur était temporairement écarté, il y avait tout de même lieu d’illustrer les différentes options possibles par des modélisations sommaires. Les exemples concrets ont permis de donner forme aux discussions du comité et de soupeser les pour et les contre des différentes modalités d’aménagement évoquées.
Cela a permis de comparer l’impact de la forme et de l’aménagement du site sur les préoccupations du comité. Par exemple, les citoyens ont pu constater qu’en jouant non seulement sur le nombre d’étages, mais aussi sur l’implantation et le verdissement, il était possible de réduire l’impact du projet sur leur intimité et l’ensoleillement, et valider s’ils jugeaient ces dispositions acceptables. Les promoteurs ont, quant à eux, pu évaluer combien de logements il était possible de construire à l’intérieur des paramètres jugés acceptables par les voisins et expliquer les conséquences des demandes sur la rentabilité du projet.
Des modélisations sommaires ont été présentées afin d'illustrer quelle serait la vue sur un projet de quatre étages à partir des cours des résidences voisines. Source : Vivre en Ville
Une démarche transparente
Le processus a permis de faire évoluer la réflexion de l’ensemble des membres du comité, qui se sont montrés à terme favorables à accueillir une nouvelle construction sur le site Kateri. Pour assurer la réussite de la démarche, il importe néanmoins de faire connaître la démarche à l’ensemble de la population.
La Ville de Sainte-Catherine a déployé différents moyens pour rendre public le travail du comité. Les faits saillants des discussions ont été publiés sur le site Web de la Ville, afin que tous les citoyens puissent suivre l’évolution de la réflexion. Par ailleurs, il est apparu que les citoyens impliqués sont devenus des porte-paroles auprès de leurs voisins, étant en mesure de répondre à leurs questions.
Au terme de la démarche, on observe que les ateliers ont permis aux participants de comprendre la raison d’être de la densification et de constater les efforts consentis par chaque partie prenante afin de trouver des solutions mitoyennes. C’est ce travail en collaboration, dans le respect des contraintes de chacun, qui a permis d’en arriver à un projet de densification consensuel.
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